Meet Clémence: “le 19 Septembre j’applique de la cortisone sur mes lèvres. Ce sera la dernière fois.”

Lorsqu’elle échange et commente, en tant que modératrice, sur le groupe de soutien du RSS (Red Skin Syndrom) sur Facebook, Clémence est animée par l’envie d’aider les gens à se sentir moins seul dans le combat.

Oui, Clémence aime aider les gens et lorsque je lui ai proposé de partager son témoignage, elle était ravie que cela puisse en aider d’autres. Car oui, ce témoignage va vous aider: pas parce qu’il vous montre les dérives de la cortisone (ça, vous le savez déjà), mais parce qu’il vous montre que même dans les moments les plus bas, on peut s’en sortir (photos à l’appui tout en bas de l’article, attention elles sont très dures).

Prenez une belle tisane, allongez-vous et c’est parti!

IMG_2067.jpeg

Meet Clémence: “le 19 Septembre j’applique de la cortisone sur mes lèvres. Ce sera la dernière fois.”

Je m’appelle Clémence Belleville, j’ai 27 ans.
J’ai de l’eczéma depuis mon plus jeune âge. Traitée parfois par cortisone, mais le moins possible selon ma mère. Mon eczéma n’a jamais été sévère et il est parti pendant l’enfance.

Vers l’âge de 22 ans, il revient, je consulte alors un dermatologue.

On me prescrit de la cortisone pour mes bras et mon cou (Tridésonit, et Nerisone). Je respecte la posologie dégressive comme expliquée par la dermatologue. Mais au bout de quelques années, l’eczéma persiste. On me prescrit alors du Protopic. J’ai du mal à utiliser cette crème car elle me provoque des brûlures. Je reprends donc la cortisone et arrive à gérer seule les poussées qui deviennent de plus en plus fréquentes.

En avril 2018, j’ai énormément d’acné, chose qui ne m’était jamais arrivée.
Je consulte plusieurs dermatologues qui me prescrivent du Zinc, me conseillent de reprendre une contraception, me prescrivent de la cortisone, mais l’acné persiste.
Je prends rendez vous en avril 2019 avec un nouveau dermatologue. Il me diagnostique une acné induite de la cortisone. Il me prescrit Protopic. J’arrête donc la cortisone. J’ai de mauvais souvenirs de cette crème et je sais qu’elle est sur la liste noire des médicaments, mais je retente. Certes l’acné disparait, mais l’eczéma s’étend. J’utilise donc Protopic, qui soulage bien mon eczéma malgré les effets secondaires, à savoir sensations de brûlures et picotements.
En parallèle, mes ganglions cervicaux gonflent énormément, je consulte mon médecin traitant qui me prescrit une prise de sang, mes globules blancs sont supérieurs à la normale. Travaillant en radiologie, j’en profite pour faire une échographie, mais rien d’anormal à part ces nombreux ganglions.


L’été arrive, et ses premières chaleurs, il devient impossible pour moi de supporter cette crème. L’eczéma étant essentiellement situé sur les paupières j’applique très rarement du Tridesonit pour me soulager quand je ne peux plus faire autrement mais il m’est impossible de mettre le Protopic.
Je ne supporte même plus le soleil qui habituellement me fait énormément de bien et fait disparaître mon eczéma.
En Août, je pense avoir une conjonctivite, j’ai sans cesse les yeux collés, avec des écoulements. Idem dans le cuir chevelu, je pense à une infection, je constate des suintements de plus en plus importants, chose qui ne m’était jamais arrivé. Je désinfecte mon cuir chevelu, et mets du collyre dans mes yeux, les nettoie régulièrement, mais le problème persiste.
Je ne comprends pas d’où cela vient, aucun signe inflammatoire, ni rougeur, chaleur, juste ces écoulements jaunâtres.
En septembre, mon visage jusqu’ici juste rouge et squameux commence à suinter lorsque je me gratte. Démangeaisons devenues par ailleurs incontrôlables. Les plaques rouges se sont étendues à mon buste. Je ne supporte même plus les douches, et je ne sors plus sans mon tube de crème hydratante (Toleriane, Avène) tant ma peau desquame.
Je passe mes vacances au Portugal, je suis épuisée, je ne supporte plus rien sur ma peau, et j’ai de gros problèmes de thermorégulation, il fait 25 degrés et je n’arrive parfois pas à quitter mon pull.

Le 19 Septembre j’applique de la cortisone (Tridesonit) autour de mes lèvres. Ce sera la dernière fois.
Désespérée, complètement désemparée face à cet eczéma qui s’étend petit à petit sur tout mon corps, qui devient suintant alors que cela n’était jamais arrivé, j’entreprends des recherches sur internet.
Je découvre sur le réseau social Instragram le RSS, Red Skin Syndrome. Il est pour moi un peu compliqué de comprendre de quoi il s’agit exactement à cause de la barrière de la langue mais je comprends que les gens guérissent de leur eczéma en stoppant les corticoïdes. Le comble.
Je trouve ensuite le site français d’addiction à la cortisone, qui explique le syndrome et énumère les nombreux symptômes de cette maladie. Maladie iatrogène (maladie causée par l’utilisation d’un médicament) causée par les dermocorticoïdes.


Tout s’éclaire…

Depuis que j’ai énormément réduit les dermocorticoïdes, ma peau devient de plus en plus rouge, desquame sans cesse, suinte. Je suis épuisée, je dors énormément, je me reconnais dans le fameux « red sleeves », j’ai de gros soucis de thermorégulation, je ne supporte plus les douches ni l’eau sur ma peau, j’ai au niveau du buste des douleurs qui ressemblent a des décharges électriques, mes ganglions cervicaux sont constamment enflés depuis avril, chaque matin mes yeux sont collés et deviennent très douloureux, la peau s’épaissit et je ressens cette sensation de « peau d’éléphant » au niveau de bras et du buste, je perds énormément mes cheveux et la plaque suintante qui s’étend n’arrange rien, tous ces symptômes, sans parler de mon état psychologique qui se dégrade de plus en plus.
Je suis atteinte du Red Skin Syndrome.

Je découvre ensuite le groupe Facebook francophone de soutien « TSW : Topical Steroid Withdraw », où nous sommes près de 500 personnes atteintes de ce syndrome. Je me reconnais dans les témoignages, les symptômes, les photos.
Je suis complètement anéantie et persuadée d’être atteinte de cette addiction, tout s’est enchaîné depuis mon arrêt de la cortisone, et surtout les choses se sont aggravées.
Je décide donc de commencer le sevrage.

Nous sommes le 28 septembre 2019, je fais une énième crise, mon visage est rouge, certaines parties de mon corps aussi.
Je sens mes paupières et mon visage gonfler.

Le 30 septembre je me réveille complètement défigurée par l’œdème… Je ne me reconnais plus, ma mère, prise de panique m’emmène à l’hôpital Huriez.
J’ai la chance d’être prise en charge rapidement par un dermatologue.
Il m’examine et me propose ensuite une hospitalisation. Application de dermocorticoïdes, examens multiples pour la mise en place d’un traitement immunosuppresseur ou du Methotrexate. Seul façon pour lui de soigner mon eczéma, qui a 27 ans ne guérira pas et est qualifié de sévère. Je suis anéantie. Je tente tant bien que mal d’expliquer ce syndrome, et suis décidée à entreprendre le sevrage. Je lui demande donc de me laisser la soirée pour réfléchir à cette hospitalisation, et revenir vers lui.
Décision très dure à prendre, ma mère qui m’accompagne est désemparée de voir que je ne prends pas la main qui m’est tendue. Mais je suis déterminée et sure de moi.
Je poste sur le groupe, je demande des conseils, je lis des témoignages de personnes guéries et je suis motivée a m’accrocher et entreprendre ce sevrage. Je veux guérir et retrouver ma vie d’avant.


Commence la descente aux enfers.

L’œdème part petit à petit, les plaques elles continuent de s’étaler et la peau de desquamer.
Deux semaines passent, mi octobre les suintements atteignent mon visage, des croûtes jaunes se forment autour de ma bouche. Mon visage reste toujours oedematié, les suintements envahissent de plus en plus mon cuir chevelu et mes yeux sont collés chaque matin.

Le 19 octobre j’arrive une nouvelle fois au travail en pleurs. Je suis psychologiquement au plus bas, je ne supporte plus le regard des autres et je suis épuisée. Je passe mon temps à me gratter, mes nuits sont de pire en pire, réveillée par les douleurs et les démangeaisons.
Je n’ai plus comme solution que de m’arrêter. Mon médecin ne comprend pas ce sevrage, il me prescrit une préparation de Diprosone, me parle de Cyclosporine et veut m’arrêter 1 mois. Je ne prends évidemment pas l’ordonnance et lui demande deux semaines d’arrêt, car je ne veux pas trop m’isoler et m’arrêter de travailler.

J’arrête toute hydratation, qui m’aidait beaucoup au niveau psychologique à masquer les nombreuses squames. Mais qui maintenait énormément l’inflammation et n’aidait en rien concernant l’œdème.
Je reste chez moi enfermée.
Les suintements deviennent de plus en plus importants. J’ai le visage quasiment recouvert d’une croûte jaune, qui lorsque je gratte se met à couler. Mon cou commence à être fortement touché, il coule lui aussi. L’arrière de mes oreilles dégouline, je suis obligée de passer mes journées avec des compresses derrière les oreilles. Mon buste, mes épaules, mes bras, mon ventre, l’arrière de mes genoux ne sont plus qu’une plaie.

Je n’ai jamais eu auparavant d’eczéma ailleurs qu’au visage, cou, plis du coude, jamais.
Après mes 2 semaines d’arrêt, il faut que je prolonge… 2 semaines de plus et une prescription d’Atarax, que je prends chaque soir, 2 cachets qui me font dormir, et surtout m’empêche de m’arracher la peau durant la nuit.
Je dors soit avec des gants soit avec des chaussettes sur les mains, mes ongles coupés à ras pour m’éviter d’aggraver les choses.

Je ne sors plus de chez moi à part pour rendre visite a ma famille. Quelques amis me rendent visite, mais il est difficile d’expliquer ma démarche et ils ne comprennent pas vraiment mon refus de soin. Beaucoup font partie du corps médical et ont du mal à concevoir que la guérison se fera juste avec le temps et rien d’autre. Mais ils acceptent face à ma détermination et surtout les témoignages de guérison que je leur montre.
Certaines personnes dans le groupe m’expliquent d’où proviennent ces suintements, je vous joins leur explication en PJ. Ils me conseillent de réduire ma consommation d’eau.
Et il est vrai que je remarque, que lorsque je bois beaucoup, ou me nourrit de soupe le soir (je ne sors plus de chez moi à part pour rendre visite à ma famille). Quelques amis me rendent visite, mais il est difficile d’expliquer ma démarche et ils ne comprennent pas vraiment mon refus de soin. Beaucoup font partie du corps médical et ont du mal à concevoir que la guérison se fera juste avec le temps et rien d’autre. Mais ils acceptent face à ma détermination et surtout les témoignages de guérison que je leur montre.

Certaines personnes dans le groupe m’expliquent d’où proviennent ces suintements. Ils me conseillent de réduire ma consommation d’eau.
Et il est vrai que je remarque, que lorsque je bois beaucoup, ou me nourris de soupe le soir (je privilégie le liquide, car il devient compliqué pour moi d’ouvrir la bouche). Les suintements s’intensifient et coulent encore plus…
Je découvre le programme NMT : No Moisture Treatement. Qui est basé sur la restriction d’eau et d’autres exigences. 
Le programme est strict, drastique. Mais je m’y tiens, au bout de 2 semaines je vois les premières améliorations.
Mon arrêt de travail est prolongé à 6 semaines.

Je ne sors plus, avec le NMT je me nourris à peine et maigris a vu d’œil, mes nuits sont un véritable cauchemar, mes journées aussi. Mais je reste plus motivée que jamais. Et il me semble inconcevable de remettre de la cortisone sur tant de croûtes… Pour éviter cette envie mes nombreux tubes ainsi que protopic ont été déposés à la pharmacie pour partir à la poubelle.


Fin novembre les premières améliorations se font sentir.

Les croûtes deviennent moins épaisses, certaines partent et laissent place à une peau normale en dessous.
Je reprends le travail en poste aménagé début décembre.
Je continue mes efforts au niveau hydrique mais je suis incapable de continuer le NMT qui m’épuise et est trop drastique, je me couche toujours tôt, je suis toujours autant épuisée, sous Atarax, je me démange toujours autant, lorsque je bois trop ma peau fragile se remet à suinter, mais je vais de mieux en mieux et mes journées sont remplies par le travail, moralement je vais mieux.

Au 1er janvier je décide d’arrêter l’atarax.
Ma peau va de mieux en mieux. Quelques suintements persistent au niveau de mon visage mais je vais mieux. Les squames sont toujours très présentes mais laissent place petit à petit a une peau saine en dessous. Je n’hydrate toujours pas, je prends des douches une a deux fois par semaine.

4 mois se sont écoulés.
Je suis en sevrage depuis 7 mois, j’ai retrouvé une vie normale.
Je me lave chaque jour, je peux ressortir sans être angoissée par le regard des autres.
Les démangeaisons restent présentes, mais n’ont plus rien à voir avec celles du début du sevrage. Je ne mets plus rien sur ma peau mis à part de l’eau thermale d’Avene.
J’ai retrouvé mon visage, il ne desquame plus, n’est plus rouge ni gonflé.
Je n’ose pas encore dire que je suis guérie tant certains sevrages sont longs, et les rechutes présentes.
Je suis encore traumatisée par ces longs mois passés enfermée loin de tout et de ma vie, mais je pense que le plus dur est derrière moi.
Et je suis fière d’avoir écouté mon corps, suivie mon intention. Fière de mon parcours et de ma détermination.

Qu’aimerais-tu dire aux personnes lisant cet article?

J’aimerais vous dire de suivre vos intentions. De croire en vous. Et surtout si vous êtes dans ce cas, ne jamais oubliez que cette condition est passagère, que la guérison n'a pas de prix, la lumière est au bout du tunnel. C'est la chose la plus dure que j'ai connue mais la meilleure décision que j'ai pu prendre.

PS: je vais mettre les photos plus bas, elles sont très poignantes et durs à voir, âmes sensibles s’abstenir comme on dit.

 

FACT sheet

_ quel est ton âge & où vis-tu?

28 ans, je vis à Calais :)

_ Qu'est-ce qui te rend heureuse dans la vie?

Les choses simples. La bonne bouffe, les fous rires, les bons moments avec les personnes que j'aime, les voyages, la vie quoi!!

_ quel est ton mantra/dicton favori?

"Never a failure always a lesson".

_ La chose qui t'as le plus marquée ? Livre, ou musique ou film ?

Bonne question... Rien ne me vient à l'esprit. Mais cette étape de ma vie est de loin celle qui m'a marquée le plus, a laissé le plus de traces, non pas physique mais psychologique.

_ Le meilleur conseil qu'on t'a donné? 

De croire en soi.

 
 

Mille mercis à toi Clémence pour ta confiance et pour avoir pris le temps de répondre à toutes ces questions.

Si ce témoignage vous a plu, n’hésitez pas à nous le dire en commentaire :)

Si vous êtes en sevrage, je vous invite à rejoindre le groupe de soutien sur Facebook du RSS.

Et si vous souhaitez aussi me partager votre histoire, n’hésitez pas à m’écrire sur Instagram, en commentaire, ou à saskandthecities@gmail.com, j’ai hâte de vous rencontrer !

N’oubliez pas que vous n’êtes pas seuls,

Bisous les Warriors,
Sask